Écrire ! Je veux écrire !!!
« Écrire, écrire, j’ai besoin d’écrire.
— Pourquoi ?
— Parce que si je n’écris pas, je mange.
— Pourquoi ?
— Parce que je m’ennuie.
— Tu es sûre que c’est la seule raison ?
— Non, en y réfléchissant, je me remplis car je me sens vide. Écrire me remplit alors que je vide mes mots. C’est assez paradoxal quand on y pense.
« Je compense le manque d’écriture par la nourriture. Je nourris mon estomac car je ne parviens plus à nourrir mon esprit. Mon âme a si faim de mots que mon corps ainsi feint des maux.
« Lorsque je crée un personnage, je le façonne, le décris, l’habille, lui donne un caractère. Il prend vie et alors m’emporte. Il prend possession de mes doigts qui glissent sur le clavier. Je ne suis plus auteure, simple marionnette guidée par la magie des entités que j’ai mises au jour.
« Je deviens spectatrice de ses aventures, je ris et pleure avec lui. Parfois, s’il s’essouffle, je reviens en arrière. Reculer, pour mieux sauter. Il repart et fait de nouvelles rencontres. C’est lui qui choisit qui revoir ou émouvoir.
« Si ce personnage est bon, il m’entraîne dans une nouvelle que j’écris d’une traite car il ne faut pas rompre l’instant. Il est aussi fragile qu’éphémère. La moindre petite mouche qui se poserait sur mon nez pourrait rompre la magie de cette possession, ce lien qui m’unit à cette extension de moi.
« Car oui, chaque personnage que je crée est une partie de moi, un petit bout, plus ou moins assumé, plus ou moins conscient, plutôt plus que moins dérangé.
« C’est donc avec d’autant plus d’appréhension que je vis ses péripéties.
— Mais comment peux-tu affirmer que ce n’est pas toi qui écris ? Tu es seule dans la pièce.
— Je ne suis jamais seule. J’ai toujours dit que nous étions plusieurs dans ma tête. Il y a Blondie, mais aussi Sandra, Aymie, Jessy, Scott, Enzo et tant d’autres qui sont encore timides et n’ont pas montré leur plume.
— Comment tu t’y retrouves ?
— Je n’en ai pas besoin. Ce sont eux qui me trouvent quand ils veulent s’exprimer. Je laisse alors libre cours à leurs envies.
— C’est un peu (beaucoup) schizophrène comme principe, non ?
— Nous le sommes tous un peu. N’adaptes-tu pas ta façon d’agir en fonction de qui tu as en face ? Agis-tu de la même manière en famille qu’au travail ? Ne portes-tu pas un masque en société, que tu retires en passant le seuil de la porte de chez toi ? Es-tu même certain de ne pas en exhiber un autre à ce moment-là au point de ne plus savoir vraiment à quel moment tu n’en as pas ?
— …
— L’écriture me permet d’être moi-même sans avoir peur du jugement. Mes personnages vivent ce que je ne peux pas vivre, ou revivent les moments que j’ai vécus avec un dénouement différent, me permettant de créer un exutoire sans limite. Je peux refaire le monde sans avoir peur d’être jugée. Je peux exprimer des idées dérangeantes à travers la bouche d’un personnage irritant. Je peux lui faire poser des questions que la femme que je suis dans la société dans laquelle j’évolue n’a pas le droit de poser. Je peux vivre une histoire d’amour interdite. Je peux tomber dans des pièges dangereux et en ressortir intacte. Je peux venger mes personnages, les torturer, leur offrir une vie de rêve et de douceur…
— En fait, écrire te rend libre.
— Oui, libre de penser, de vivre, de dire et de crier.
— Que fais-tu pour te mettre dans cet état ?
— Je me pose devant mon écran, je mets mes mains sur le clavier. Je pense au sujet sur lequel j’ai envie d’écrire.
« Parfois, le curseur me nargue et n’avance pas. Je relis le sujet, fais des recherches sur la toile, reviens à ma page, me prépare un café, reviens, écris trois mots, les efface. Souvent, je ferme mon PC sans avoir rien écrit. Ce sera pour une prochaine. Demain, c’est sûr !
« Parfois, les mots viennent tout seuls. L’écriture est alors fluide et les pages défilent vite. Je ne m’arrête que lorsque le texte est fini. Je peux écrire comme ça pendant des heures. Tout dépend du temps que l’on m’accorde, de la tranquillité que l’on me laisse. Si le charme est rompu avant la fin, il m’est extrêmement difficile de me reconnecter au personnage. Il me faut alors de longues minutes passées à relire son histoire…
— Son ?
— Oui, son histoire. Parfois, il revient et j’arrive à finir le texte. Le plus souvent, le lien est rompu à jamais, je cherche alors une fin pas trop mauvaise pour qu’il ne reste pas là, coincé sur une page avec le curseur qui refuse d’avancer jusqu’au point final. J’ai le sentiment que mes personnages ne peuvent pas prendre leur envol tant que le texte n’est pas publié. Aussi, ni parfaits, ni même bons, j’aime que mes textes soient lus. C’est ainsi que mes héros sont libres, ils voyagent quand je reste ici. Ils pénètrent des esprits quand je ferme le mien. Ils font rêver les gens quand je retourne à mon quotidien. »