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Impudeur

— Salut ! Ça va ? 
— Les coquelicots sont jaunes. 
— Génial ! Bon, ben bonne journée alors. 

Voilà qui illustre parfaitement le genre de conneries que l’on peut entendre à longueur de journée. Voilà ce qu’induit la politesse d’aujourd’hui.
Il y a peu, on demandait si ça allait, puis on écoutait la réponse et agissait en fonction, non ? C’est moi qui divague ? Vague. Dans ce monde pressé et individualiste, nous voyons et conversons avec des dizaines de gens, des centaines pour certains sans que personne ne s’écoute. Nous n’entendons que ce que nous choisissons, peu.
J’ai choisi de ne plus entendre cette question. Je ne la pose plus, à moins d’avoir une réelle envie de connaître l’état d’esprit et de corps de la personne à qui je m’adresse. Oui, c’est rare. Je vieillis, je m’aigris sans maigrir. Sans doute. L’âge me pousse à regarder davantage dans les détails. Je veux de la qualité et non de la quantité. Au lit, oui bien sûr, mais pas seulement.
J’ai choisi de ne plus entendre cette question, car peut-on répondre sans mentir ? Hier, mon amie m’a demandé comment j’allais aujourd’hui, ses yeux sondant les miens, ne m’offrant aucune fuite. Cette unique vraie question, posée avec le cœur, a suffi à humidifier mon regard. Je n’ai pu soutenir le sien que quelques secondes, un silence pendant lequel nous nous sommes tout dit.

La pudeur, celle du corps, n’est rien face à celle de l’âme. Il n’est plus impudique que celui qui expose ses sentiments à l’encre, visibles et indélébile. Parcouru ensuite par le plus inconnu des regards qui s’égare, hagard. Nul besoin d’agar-agar pour agglutiner ces voyeurs, toujours heureux de trouver plus malheureux, toujours contentés de contes hantés pour les changer de leurs comptes en T.
Se mettre à poil à coups de plume. Voilà une vraie terreur. Écrire sans âme est inutile, creux, sans saveur. Écrire avec les tripes vous garantit un meilleur trip. L’âme sur papier verrait s’envoler les larmes si bien gardées. Endiguer les flots de maux pour en dealer les mots serait une bonne affaire. À faire !
Ma peur est donc livrée en paquet non ficelé dans un texte sans fil serré, sans trame aboutie ni drame à Boutigny, ni ailleurs.


Impudeur quand tu nous tiens… on y prend goût.

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